Cela va faire un petit moment que le monde du livre en France ne se porte pas très bien. Entre les correcteurs qui revendiquent leurs droits salariaux, les auteurs qui jettent l'éponge et les maisons d'édition qui déposent le bilan, il y a vraiment de quoi se poser des questions sur l'avenir de la littérature dans notre pays. Moi-même qui suis un auteur indépendant, heureux papa de quatorze romans, je ne possède aucun statut légal en tant qu'écrivain au regard de l'Agessa, la sécurité sociale des auteurs. Pour cela, il faudrait que je vende beaucoup plus de livres et que je parvienne à sortir 7500 € de bénéfices par an, au risque de me faire supprimer mes droits sociaux. En résumé, je bosse dix à douze heures par jour, j'écris, je mets en page, je m'occupe seul de la partie administration et promotionnelle, je réalise ma couverture, je paye en moyenne 200 € de ma poche pour concevoir chacun de mes ouvrages, permettant à un imprimeur de travailler au passage, je finance une plate-forme de vente à hauteur de 160 € par an, je touche 0.62 centimes par vente chez Amazon, je n'ai pas le droit à la retraite tant que je ne suis pas inscrit à l'Agessa, mais aux yeux de la loi, je ne suis pas écrivain. Il fut un temps où l'Etat français se plaignait de la fuite des cerveaux, mais il ne faudra pas s'étonner le jour où ce sera celle des plumes. Alors qu'est-ce qu'il me reste : la passion et le plaisir d'évoluer dans un pays qui crache sur ses auteurs.